Du pouvoir réglementaire des ministres en droit français

Published date01 September 1971
AuthorCéline Wiener
DOI10.1177/002085237103700301
Date01 September 1971
Subject MatterArticles
Du
pouvoir
réglementaire
des
ministres
en
droit français
CDU
35.077 :
354
(44)
par
Céline
WIENER,
Docteur
en
droit,
Attachée
de
recherche
au
C.N.R.S.
Le
pouvoir
resglementaire
des
autorit6s
ad-
ministratives
a
6t6
longtemps
consid6r6
en
France
comme
une
anomalie,
un
exp6dient
auquel
il
fallait
se
r6soudre
eu
dgard
aux
n6ces-
sit6s
pratiques
d’action,
mais
qu’on
devait
aussi
et
surtout
contenir
dans
d’6troites
limites.
Depuis
1789,
en
effet,
le
droit
de
poser
des
regles
g6n6rales
et
impersonnelles
6tait
regard6
comme
un
attribut
du
souverain,
et
par
suite
un
privil6ge
r6serv6
a
la
loi,
1’Executif
devant
se
borner
a
assurer
la
mise
en
(ouvre
de
ces
regles
au
moyen
de
d6cisions
individuelles
d’application.
Mais
cette
mystique
de
la
loi
ne
pouvait
resister
a
1’extraordinaire
pouss6e
qui
r6sulta
de
la
transformation
du
role
de
la
puis-
sance
publique :
sous
l’influence
des
id6es~
sociales
1’Etat
liberal
devint
interventionniste
et
pourvoyeur,
l’introduction
de
techniques
nouvelles
le
fit
patron
et
entrepreneur,
et
les
besoins
en
regles
juridiques
n6s
de
ces
activitess
multiples
s’accrurent
au
point
que
le
Parlement
ne
suffit
plus
A
les
satisfaire.
Le
chef
de
I’Ex6-
cutif
se
vit
alors
reconnaitre
un
pouvoir
r6gle-
mentaire
propre
A
1’effet
d’assurer
l’ordre
public
et
le
bon
fonctionnement
des
services,
les
pr6fets
et
les
maires
6tant
dot6s
de
pouvoirs
analogues
dans
le
cadre
de
leur
circonscription.
En
1958,
un
nouveau
pas
fut
franchi,
et
le
pouvoir
r6glementaire
devint
le
droit
com-
mun
de
1-’activite
normative
de
1’Etat;
mais
si
le
domaine
qui
lui
est
assign6
se
trouve
d6mesur6-
ment
agrandi,
le
nombre
de
ses
d6tenteurs
demeure
inchange :
sur
le
plan
national,
le
Premier
ministre
(r6serve
faite
de
la
comp6-
tence
reconnue
au
President
de
la
R6pubfique
pour
signer
les
ordonnances
et
descrets
deliberess
en
Conseil
des
minist-res)
en
est
seul
titulaire.
Si la
d6fiance
traditionnelle
a
1’6gard
de
ce
pouvoir
ne
se
traduit
plus
par
une
limitation
de
son
contenu,
elle
se
marque
encore
dans
la
limitation
du
cercle
des
autorit6s
qui
en
dispo-
sent.
Cette
defiance
s’explique
par
trois
series
de
considerations.
La
premi~re
est
d’ordre
poli-
tique :
le
pouvoir
de
lier
la
communaut6
par
des
regles
g6ndrales
-
c’est-h-dire,
au
sens
large
ou
mat6riel
du
terme,
de
16gif6rer
-
constituerait
une
puissance
superieure
a
celle
qui
r6sulte
du
droit
d’6dicter
une
suite
de
d6ci-
sions
particuli6res,
et à
ce
titre,
devrait
etre
r6serv6
a
des
organes
sinon
6lus,
du
moins
proches
de
1’61ection.
La
seconde
est
fonction-
nelle :
1’administration
consisterait,
pour
les
autorit6s
qui
ne
sont
pas
situ6es
aux
tout
pre-
miers
6chelons
de
la
hi6rarchie, A
concr6tiser
les
r~gles
de
droit
en
vu,e
de
leur
application
aux
situations
individuelles
qu’elles
doivent
r6gir,
ce
qui
suppose
un
examen
particulier
des
circonstances
propres
a
chaque
cas
d’esp~ce,
et
par
suite
interdit
la
d6termination
pr6alable
de
principes
g6n6raux
qui
s’appliqueraient
de
mani6re
automatique.
La
iderni6re
consid6ra-
tion
est
d’ordre
technique :
multiplier
les
com-
p6tences
r6glementaires
risquerait
d’entrainer
une
proliferation
de
textes
sp6cialisds
6manant
d’autorit6s
qui
n’ont
pas
toujours
une
vue
d’ensemble
suffisamment
6clair6e
des
probl~mes
a
r6soudre,
et
nuirait k
la
n6cessaire
coherence
de
I’activit6
administrative.
Ces
objections
sont
assur6ment
fond6es,
et
l’inflation
du
pouvoir
r6glementaire,
qui
abou-
tirait
a
un
6miettement
des
responsabiht6s
et
k
une
fragmentation
excessive
de
1’ordonnance-
ment
juridique,
n’est
certainement
pas
souhai-
table.
Mais
on
peut
se
demander
si
la
recon-
naissance
d’un
certain
pouvoir
r6glementaire
a
certaines
autorit6s
ne
serait
pas
rendue
n~cessaire
par
la
nature
meme
des
fonctions
qu’elles
exercent,
et
si
elle
ne
conduirait
pas
en
d6finitive
a
un
perfectionnement
de
leur
action,
tant
au
point
de
vue
de
la
16galit6
qu’a
celui
de
l’efficacité.
Il
existe
en
effet
des
autorit6s
administratives
qui
sont
investies
d’une
mission
importante
sans
disposer
pour
autant
des
pouvoirs
juridi-
ques
correspondants.
C’est
notamment
le
cas
des
ministres;
chacun
d’eux
se
voit
confier
la
responsabilit6
de
tout
un
secteur
d’activit6
de
1’Etat,
mais
le
pouvoir
de
statuer
par
voie

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