L'efficacité Des Politiques Publiques De Santé Dans Un Pays De l'Afrique De L'Ouest: Le Cas Du Burkina Faso

AuthorValéry Ridde,Abdoulaye P. Nitièma,Jacques Girard
Published date01 April 2003
Date01 April 2003
DOIhttp://doi.org/10.1177/0192512103024002005
L’efficacité des politiques publiques de santé
dans un pays de l’Afrique de l’Ouest: le cas du
Burkina Faso
ABDOULAYE P. NITIÈMA, VALÉRY RIDDE AND JACQUES GIRARD1
RÉSUMÉ. Cet article analyse l’efficacité des deux principales composantes
de la politique de santé mise en œuvre au Burkina Faso, «les soins de
santé primaires» et l’«Initiative de Bamako», à partir des résultats de
deux études régionales et d’une revue documentaire nationale.
L’efficacité de ces deux politiques est mise en doute: aucune n’a pu,
malgré un important investissement des pouvoirs publics, améliorer les
conditions d’accès aux soins pour tous. Pour mieux comprendre leur
relative inefficacité, il est urgent d’étudier en profondeur le rôle
interactif joué par les principaux acteurs dans la mise en oeuvre des
politiques de santé au Burkina Faso.
Mots-clefs: Politique de santé • Efficacité • Burkina Faso • Soins de
santé primaires Initiative de Bamako
Introduction
Les politiques publiques sont considérées comme des «tentatives de régulation de
situations présentant un problème public, dans une collectivité ou entre des collectivités»
(Lemieux, 1992: 108). Dans le domaine de la santé, ces politiques conduisent à
des changements dans l’organisation des différentes fonctions du système, (Walt,
1994; Janovsky et Cassells, 1996) que sont l’administration générale, le
financement, la prestation de services et la génération de ressources (OMS, 2000).
Ajoutons que ces politiques ne sont ni monolithiques ni linéaires (Grindle et
Thomas, 1991): le choix des solutions à mettre en œuvre n’est pas toujours
rationnel et leur réalisation ne correspond pas toujours à ce qui a été prévu
initialement. En effet, de nombreux facteurs peuvent influer sur la mise en place
du processus (Walt et Gilson, 1994). Nous nous proposons d’étudier le cas du
International Political Science Review (2003), Vol 24, No. 2, 237–256
0192-5121 (2003/04) 24:2, 237–256; 031271 © 2003 International Political Science Association
SAGE Publications (London, Thousand Oaks, CA and New Delhi)
Burkina Faso, à partir de cette définition des politiques publiques et de leurs
répercussions sur le système de santé.
Depuis l’adoption à Alma Ata en 1978 de la politique «des soins de santé
primaires», le Burkina Faso, 159ème pays sur 162 quant à l’indice du développe-
ment humain (UNDP, 2001), a mené comme la plupart des pays de l’Afrique de
l’Ouest plusieurs politiques publiques en matière de santé. Laissant de côté les
politiques récentes (décentralisation et réforme hospitalière), puisque nous ne
disposons pas du recul nécessaire, nous centrons notre analyse sur les deux
politiques burkinabè les plus importantes de ces dernières décennies : les soins de
santé primaires (SSP) et l’«Initiative de Bamako» (IB).
La première politique a été élaborée en 1978 pour remédier à l’inadaptation
du système de santé et à l’inégalité de la répartition des ressources de santé entre
les pays concernés et dans chacun d’eux. Cette politique des «soins de santé
primaires» a pour but d’assurer «La santé pour tous en l’an 2000». Rappelons que
l’objectif principal était «la distribution équitable des ressources pour assurer l’accès de la
grande majorité des gens à celles-ci» (Velasquez, 1989: 461). Elle est principalement
fondée sur l’équité; la participation communautaire; une approche multi-
sectorielle; une technologie appropriée; des activités de promotion de la santé
(WHO, 1978). Au Burkina Faso, comme nous le développerons plus loin, la
décision d’implanter dans chaque village du pays des «postes de santé primaires»
est partie intégrante de la politique des années 1980.
La second politique, l’«Initiative de Bamako» a été mise en place pour
répondre aux problèmes économiques des pays africains (croulant notamment
sous le poids de la dette extérieure) dans les années 1980, ainsi qu’à leurs
conséquences néfastes sur la situation sanitaire, et pour faire face aux difficultés
rencontrées par la politique de «soins de santé primaires» dans sa phase de mise
en œuvre. C’est ainsi que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds
International de Secours à l’Enfance (UNICEF) se sont prononcés en 1987 pour
une relance de la politique des SSP afin de réduire la mortalité maternelle et
infantile. L’«Initiative de Bamako» (IB) a été adoptée à Bamako en 1987 par les
ministres de la santé africains et reprise en 1992 par le Burkina Faso. Le premier
document officiel de l’OMS précise que l’objectif ultime de l’«Initiative de
Bamako» est «universal accessibility to PHC (Primary Heath Care)» (WHO, 1978).
L’«Initiative de Bamako» vise particulièrement à renforcer les mécanismes de
gestion et de financement au niveau local; à promouvoir la participation
communautaire et améliorer les capacités de gestion locale; à renforcer les
mécanismes d’approvisionnement, de gestion et d’utilisation des médicaments
essentiels; et enfin à assurer les sources permanentes de financement nécessaire
au bon fonctionnement des unités de soins.
Ainsi l’émergence, le contenu et l’adoption de ces deux politiques sont
relativement homogènes en Afrique de l’Ouest. Par contre, leurs conditions
d’application sont spécifiques à chacun des pays. Nous avons choisi le cas du
Burkina Faso pour évaluer les différents processus d’application de ces deux
politiques et estimer dans quelle mesure les objectifs initialement fixés ont été
atteints. Nous étudions donc le rapport entre les objectifs et les réalisations, c’est-
à-dire l’efficacité, puisque nous savons que les succès et les échecs des politiques
dépendent largement de la manière dont elles sont mises en place (Grindle et
Thomas, 1991). Pour des raisons de place, nous nous sommes limités à les étudier
sous l’angle de quelques-unes de leurs composantes (tableau 1): a) l’opération «Un
village-un poste de santé primaire» (1985); b) la participation communautaire;
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