Le Comportement Spatial Des Groupes Linquistiques

AuthorJ.A. Laponce
DOI10.1177/019251218000100404
Published date01 October 1980
Date01 October 1980
Subject MatterArticles
478
LE
COMPORTEMENT
SPATIAL
DES
GROUPES
LINQUISTIQUES
Solutions
Personnelles
et
Solutions
Territoriales
aux
Problèmes
de
Minorités
J.
A.
LAPONCE
En
l’absence
d’une
langue
unique,
la
vie
en
société
rend
le
bilinguisme
souvent
nécessaire,
mais
ce
dernier
n’en
reste
pas
moins
une
aberration
psychologique.
La
pente
naturelle
de
l’individu
comme
du
groupe
mène
au
monolinguisme.
Les
conséquences
géographiques
et
politiques
de
cette
tendance
universelle
sont
fort
importantes:
le
moindre
effort
et
le
rejet
de
la
confusion
sémantique
mènent
à
la
concentration
géographique
des
langues,
concentration
qui
a
pour
corollaire,
chez
une
minorité,
un
besoin
de
frontières
sécurisantes.
On
ne
saurait
donc
traiter
des
minorités
linguistiques
comme
si
elles
étaient
des
minorités
raciales
ou
religieuses.
Les
solutions
’personnelles’
du
type
utilisé
dans
I’Estonie
des
années
1920
apparaissent
moins
fonctionnelles
que
les
solutions
de
type
’territorial’
utilisées
en
Suisse
et
en
Belgique.
L’article
compare
a
ce
sujet
les
politiques
divergentes
des
gouvernements
du
Canada
et
du
Québec.
Deux
phenomenes
qui
parfois
se
renforcent,
d’autres
fois
se
contrarient,
expliquent
que
certains
individus
et
certaines
soci6t6s
sont
bilingues
alors
que
d’autres
restent
ou
deviennent
mono-
lingues.
Dans
la
mesure
il
donne
acc~s
a
deux
cultures
differentes,
le
bilinguisme
est
une
ouverture
sun
1’6tranger,
un
mouvement
vers
l’universel;
ouverture
et
mouvement
qui
seront
souvent
le
privi-
lege
des
61ites
cependant
que
les
masses,
isol6es
ou
repli6es
sur
soi,
se
contentent
d’une
seule
langue.
Au
dix-neuvi6me
si6cle,
la
norme
des
pays
de
1’Europe
de
1’Est
veut
que
des
polyglottes
gouvernent
des
unilingues.
A UTHOR’S
NOTE:
La
premiere
version
de
cet
article
a
ete
presentee
au
colloque
sur
la
planification
linguistique
organise
a
Montreal
en
1978
par
t’Office
de
la
langue
francaise.
Le
compte
rendu
des
d6bats
doit
etre
publid
par
office
sous
la
direction
d’Andre
Martin.
479
L’autre
tendance,
qui
opere
souvent
en
sens
contraire
de
la
premiere,
tient
a
la
stratification
des
groupes
sociaux-nations,
6tats
ou
toutes
autres
institutions
qui
servent
de
support,
a
un
moment
donn6
de
I’histoire, ~
des
langues
diff6rentes:
le
groupe
dominant
cherche,
autant
que
possible, a
faire
1’economie
du
bilinguisme
en
rejetant
son
cout
sur
le
groupe
domin6:
il
y a
moins
de
bilingues
francais-anglais
parmi
les
Anglophones
que
parmi
les
Francophones
canadiens;
moins
de
bilingues
Russe-Ukrainien
en
Russie
qu’en
Ukraine;
moins
de
bilinguisme
chez
les
hommes
d’affaires
am6ricains
que
chez
leurs
homologues
japonais.
Ces
deux
ph6nom6nes
en
apparence
contradictoires
s’ex-
pliquent
par
le
cout
du
bilinguisme.
Si
meme
il
en
avait
le
d6sir
le
paysan
russe
n’aurait
pas
les
’moyens’
d’acq6rir
une
autre
langue
que
la
sienne;
son
seigneur,
lui,
a
de
tels
moyens-temps,
argent,
contexte
social-et
peut
donc
se
permettre
une
depense
qui
sera
source
d’avantages
6conomiques
et
sociaux.
Or,
si
1’aristocrate
russe
doit
faire
une
telle
depense
c’est
qu’il
se
trouve,
a
son
tour,
par
rapport
a
son
interlocuteur
francais
ou
allemand,
en
situation
d’inf6riorit6
linguistique.
Le
paysan
russe
est
charge
de
taxes;
son
maitre
est
charge
de
langues.
C’est
dire
que
le
bilinguisme
n’est
pas
naturel.
On
n’a
pas
deux
langues
comme
on
a
deux
mains,
deux
yeux
ou
deux
hemispheres
c6r6braux.
S’il
est
souvent
une
necessite
sociale,
le
bilinguisme
est
une
aberration
psychologique.
La
pente
naturelle
de
l’individu
comme
du
groupe
mene
au
monolinguisme.
Les
cons6quences
g6ographiques
et
politiques
de
cette
tendance
universelle
sont
fort
importantes:
le
moindre
effort
linguistique
et
le
rejet
de
la
confusion
s6mantique
m6nent
a
la
concentration
g6ographique,
concentration
qui
a
pour corollaire,
chez
une
minorite,
un
besoin
de
fronti6res s6curisantes.
En
situation
de
bilinguisme,
surtout
lorsqu’il
s’agit
de
bi-
linguisme
a
la
fois
au
niveau
de
l’individu,
du
groupe et
du
territoire,
le
cerveau
du
bilingue
est
un
champ
de
bataille
ou
deux
langues
se
disputent
le
privil6ge
d’être
chacune
seule
a
signifier,
champ
de
bataille
ou
chaque
signifié
est
l’occasion
d’un
duel
entre
deux
signifiants-duel a
si
long terme
qu’il
se
transmet
souvent
de
generation
en
generation,
mais
duel
n6anmoins
dont
le
but
est
de
ne
laisser
qu’un
seul
vainqueur.

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