Conception Generique de l'Arbitrage en Droit International, Mecanisme de Reglement des Differends

Date01 February 2018
DOI10.3366/ajicl.2018.0218
Pages28-43
Published date01 February 2018

Parlant de définition de concepts, « [l’]on entend, une caractérisation univoque de quelque chose1, objet matériel ou réalité conceptuelle, d'une manière intelligible par l'esprit ; c'est une “traduction en prédicats ou attributs qui prétend cerner l'essence de la chose2. Elle dit ce qu'est une chose et non pas seulement ce à quoi ressemble cette chose ni quelle est sa composition3.” » Cette formule employée par le Professeur Kamto pose les balises de la démarche à entreprendre pour définir les mots clés de notre sujet.

Selon les termes de l'art. 1504 du Code de procédure civile français: « est international l'arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international4». Le critère de l'internationalité du litige retenu par la loi française est un critère économique. Est international l'arbitrage relatif à une opération comportant des transferts de biens, de services ou de monnaie à travers les frontières. Le critère de l'internationalité peut aussi être autre et ainsi « l'arbitrage international a pour objet le règlement des litiges entre États par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit5 ». Ici, le critère de l'internationalité est spatial.

La modernité du concept d'arbitrage remonte au traité de JAY de 17946 et l'arbitrage a eu application constante au cours des XVII et XVIII siècles7. Ce concept est pluriel autant en sens qu'en forme il se distingue cependant de l'arbitrabilité qui est le caractère d'un différend qui répond aux conditions nécessaires pour faire l'objet d'un arbitrage.

Dans une conception littérale il pourrait s'identifier autant au règlement judiciaire qu'aux autres mécanismes non juridictionnels de règlement des différends (conciliation, médiation, bons offices etc.) en ce sens qu'il aurait pour fonction de mettre fin à une contestation entre deux parties. Ainsi le verbe arbitrer pourrait avoir pour synonyme: concilier, réconcilier, allier, réunir, harmoniser, accorder, et moins juger trancher, décider, statuer, arrêter, ordonner qui eux traduisent l'onction d'autorité reconnue aux décisions des arbitres.

En tant que technique, l'arbitrage est un mode de règlement d'un litige par le recours à un tiers chargé de le trancher par décision obligatoire, ce que corrobore Yves Guyon lorsqu'il affirme que: « L'arbitrage consiste à faire trancher un litige par de simples particuliers, dont la sentence a néanmoins la même autorité qu'un jugement rendu en première instance par une juridiction étatique »8. Pris dans ce sens, l'arbitrage englobe aussi bien l'arbitrage rendu sur la base du respect du droit que l'arbitrage rendu ex aequo et bono ou comme amiable compositeur, ou d'autres formes d'arbitrage politique. Cette définition ne distingue pas l'arbitrage de la justice institutionnelle.

Dans un autre sens, l'arbitrage s'identifie à un mécanisme particulier de règlement des différends fondé sur l'accord de volonté des parties au différend et consistant à confier à un organe privé unipersonnel ou collégial désigné par accord entre les parties, la mission de trancher le différend en vertu des règles de droit choisies par celles-ci. Dans cette hypothèse les parties maîtrisent le mécanisme car elles ont notamment l'initiative et la maîtrise des règles applicables9.

Qu'il soit clair, il ne s'agit nullement ici d'une étude exhaustive de l'arbitrage comme a pu le faire le Professeur Bruno Oppetit10 mais juste d'un relevé d'indices caractéristiques – assurément partiel – de ce mécanisme de règlement des différends. Nous avons relevé précédemment l'attrait pour l'arbitrage aux siècles précédents et même à notre époque11. S'il en est ainsi, c'est sans conteste eu égard aux avantages que présenterait l'arbitrage. De la souplesse, en passant par la rapidité et la disponibilité etc.

Ces propos d'un ton assez dithyrambiques qui posent sans opposer l'arbitrage et le règlement judiciaire (I) n'occultent cependant pas le trop de pouvoirs accordés ou possédés par les parties. Rémanence du caractère contractuel de l'arbitrage, les parties font et défont12 carrément tout. C'est un lieu commun que d'affirmer la disponibilité de l'arbitrage à l’égard des parties (II). Cet intérêt marqué pour l'arbitrage qui constituait pratiquement aux siècles précédents le droit commun du règlement des différends internationaux est légitimé si l'on tient compte des caractéristiques de ce mécanisme de règlement des litiges. Mais pour autant l'arbitrage n'est pas un mécanisme parfait ; en effet, des critiques n'ont pas manqué à son encontre ce qui se traduisit par une « transformation » sur le plan international de la justice avec la création de la CPJI puis de la CIJ de praesenti.

Cette place qu'occupent les parties dans l'institution d'arbitrage ne parait pas forcément mauvaise car au fond comme le disait le Professeur Bruno Oppetit, « l'arbitrage, quelles qu'en soient les modalités, s'insère aujourd'hui dans la recherche du même idéal de justice que celui que poursuivent les juridictions étatiques ».

L'ARBITRAGE, MECANISME JURIDICTIONNEL DE REGLEMENT DES DIFFERENDS

Si l'arbitrage constitue en quelque sorte une justice privée, du fait qu'il procède de la volonté privée des individus ou acteurs, il n'en est pour autant pas fermement éloignée de la justice étatique du fait de son caractère juridictionnel bien réel. Le cadre contractuel ou conventionnel qui constitue le référent de base de l'arbitrage se trouve donc dépassé, en témoigne la forme institutionnelle que présente souvent l'arbitrage dans des Centres d'arbitrage. Le Professeur Oppetit ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme que:

l'arbitrage n'est plus réductible à un pur phénomène contractuel […] sa nature juridictionnelle n'est plus contestée, même si son origine reste contractuelle ; l'arbitrage est une justice, privée, certes, mais une justice: elle procède de la volonté des parties de confier à un tiers le pouvoir de juger ; l'arbitre est investi de la jurisdictio13 dans toute sa plénitude, avec la souplesse qu'autorise le cadre dans lequel elle s'exerce ; ce cadre processuel habituel à toute institution: dès l'instant où l'arbitrage entend apporter au plaideur les garanties inhérentes à toute justice, il retrouve de lui-même, par un cheminement naturel (et pas seulement dans l'arbitrage institutionnel), quoique sous des formes adaptées à ses propres exigences, les impératifs d'organisation et de fonctionnement qui s'imposent à toute juridiction, quelle qu'elle soit14.

Cette jurisdictio socle du caractère juridictionnel de l'arbitrage apparaît plus clairement dans le comportement dynamique de la sentence (A) rendue par un « arbitre-juge », juge authentique (B) Nature et force de la sentence arbitrale

A contrario des autres mécanismes de règlement des différends que sont par exemple la conciliation, la médiation, etc. l'arbitre fait recours à l'arme du droit pour départager les litigants. De ce fait le caractère juridique ne se dément pas (1) et est pour lui assurer une autorité plus importante que d'autres décisions rendues par le biais de modalités moins contraignantes. Ce caractère juridique est sans nul doute au départ du caractère obligatoire de la sentence (2) tout autant que l'est l'autorité reconnue par les parties au tiers qu'est l'arbitre de mettre un terme au différend qui les oppose.

Une décision juridique

Que ce soit en droit interne ou en droit international l'arbitrage se fonde toujours sur une utilisation du droit. La mention « droit applicable » ou « loi applicable » figure toujours en bonne position dans le gros des points discutés par les parties15. Le Professeur Oppetit affirme même que:

Ordonnées à la poursuite de fins identiques, justice...

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