Des Pouvoirs Souverains des Assemblées Constituantes Post-Révolutions : Réflexion à Partir du Cas de L'assemblée Constituante Tunisienne (ANC)
DOI | 10.3366/ajicl.2019.0271 |
Date | 01 May 2019 |
Pages | 246-267 |
Published date | 01 May 2019 |
Une des questions qui occupent la doctrine juridique constitutionnelle comparée est celle portant sur les pouvoirs des assemblées constituantes. Il s'agit d'une question récurrente vu ses liens étroits avec les changements politiques et sociaux. Que ces changements se fassent dans des cadres démocratiques ou suite à des révoltes populaires, les questions portant sur la création d'une assemblée constituante ou à propos de la détermination de ces pouvoirs, se retrouvent,
En effet, le 14 janvier 2011, après un mois de protestations et de manifestations populaires, les Tunisiens ont réussi à déloger le Président Ben Ali qui a gouverné le pays de 1987 à 2011 avec l'espoir d'instaurer un régime politique qui valorise les droits de la personne, la dignité humaine et les valeurs universelles de la démocratie. Après la fuite du Président déchu vers l'Arabie saoudite, le choix des Tunisiens était alors d’élire une nouvelle assemblée constituante chargée de doter le pays d'une nouvelle constitution, au lieu de celle adoptée en 1959, « dans un délai maximum d'un an à compter de la date de son élection ». Un choix qui nous semble judicieux et démocratique, étant donné que le « pouvoir constituant est d'après son origine aussi bien que son contenu un concept démocratique et révolutionnaire, qui n'a sa place que dans le seul cadre d'une théorie constitutionnelle démocratique »
Or, si elle a été couronnée par l’élection d'un parlement multipartite et par l'adoption, en date du 26 janvier 2014, d'une nouvelle constitution, l'expérience tunisienne a soulevé d'importantes questions constitutionnelles concernant l’étendue du pouvoir de l'assemblée constituante. Les plus importantes de ces questions
Les débats entourant le mandat de cette assemblée – tel que défini dans ces deux décrets et dans ladite
Certes, la question est de taille. Elle n'est pas toutefois dirimante, car si les deux positions sont fondées sur des interprétations juridiques ainsi que sur des arguments sociologiques et historiques non négligeables, il n'en demeure pas moins vrai qu'une étude de l'histoire et de la pratique constitutionnelles dans plusieurs pays nous permet de se frayer un chemin doctrinal entre ces positions antagonistes et nous autorise à défendre l'idée selon laquelle les assemblées constituantes ne sont pas investies d'un pouvoir originaire mais elle sont investies de ce que nous qualifions de compétence originaire inhérente et quasi-souveraine (I) et que cette compétence, aussi étendue soit-elle, ne se contredit pas avec le fait qu'elle puisse être enchâssée par des engagements pré-constituants et qu'elle puisse être limitée par les normes impératives du droit international (II).
Titulaire d'une compétence originaire (1) l'assemblée constituante dispose d'un pouvoir très étendu dans l’élaboration d'une nouvelle constitution (2).
Dans le discours constitutionnel, il est d'usage d'utiliser la notion de pouvoir originaire qui veut dire le « pouvoir de création ex nihilo […] d'un ordre juridique »
Cependant, si la nature politique du pouvoir originaire et de la compétence originaire a suscité des débats relevant plus de la théorie politique et sociologique que de l'argumentation juridique, la question portant sur la compétence étendue de l'assemblée constituante dans l’élaboration de la constitution, et qui est une question dérivée de la première, peut-être, quant à elle, traitée dans une perspective juridique et comparative.
Ceux qui soutiennent, en Tunisie et ailleurs, que les assemblées constituantes disposent d'un pouvoir souverain et singulier n'ont pas totalement tort. En effet, la reconnaissance d'un pouvoir spécial et sans équivalent attribuable à ces assemblées occupe une place de choix dans la doctrine constitutionnelle, puisque, par définition, elles sont – c'est à dire ces assemblées – appelées, notamment en cas de...
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