La Science Politique En France Depuis 1945
| Date | 01 January 1981 |
| DOI | 10.1177/019251218100200107 |
| Author | Pierre Favre |
| Published date | 01 January 1981 |
| Subject Matter | Articles |
95
LA
SCIENCE
POLITIQUE
EN
FRANCE
DEPUIS
1945
PIERRE
FAVRE
NOTE DE
L’AUTEUR:
Cet
article
reproduit
la
version
originale
fran~aise
d’un
texte
à
paraitre
en
langue
anglaise
dans
le
Handbook
of Contemporary
World
Political
Science,
William
G.
Andrews
(ed.),
Greenwood
Press.
L’Association
internationale
de
science
politique
et
1’auteur
remercient
le
Professeur
Andrews
et
les
6ditions
Greenwood
Press
d’avoir
autorise
la
pr6sente
publication.
L’auteur
remercie
6galement
le
Professeur
Georges
Lavau
et
le
Professeur
Bernard
Lacroix
qui
ont
amicalement
accept6
de
lire
la
premi6re
version
de
cet
article
et
dont
les
remarques
critiques
lui
ont
ete
tris
utiles.
L’année
1945
marque
selon
l’auteur
la
naissance
de
la
science
politique
française
en
tant
que
discipline
autonome
et
discipline
scientifique.
Cet
article
est
donc
centré
sur
l’histoire
d’une
conquête
menée
depuis
1945,
conquête
de
l’autonomie
disciplinaire
et
conquête
de
la
scientificité,
même
si
à
l’arrivée-on
le
constatera
lors
de
l’examen
de
la
situation
actuelle
de
la
science
politique
en
France—la
communauté
des
politicologues
français,
devenue
importante,
peut
apparaître
profondément
divisée
et
soumise
à
la
concurrence
de
sociologues
ressentant
de
plus
en
plus
la
nécessité
d’intégrer
dans
leurs
analyses
l’objet
politique.
L’histoire
se
révèle
à
travers
les
nombreux
chercheurs
qui
ont
oeuvré
dans
les
domaines
de
l’enseignement,
de
la
recherche,
des
activités
collectives.
Ils
ont
ainsi
façonné
l’image
que
projette
aujourd’hui
la
science
politique
en
France
et
fait
ressortir
les
traits
qui
la
caractérisent
soit
les
objets
étudiés,
les
tendances
qui
s’y
retrouvent
et
le
problème
de
légitimité
scientifique
que
lui
posent
d’autres
disciplines.
1.
INTRODUCTION
Peut-etre
beaucoup
plus
que
pour
d’autres
pays,
la
date
de
1945
est
une
date
significative
en
France
dans
l’histoire
de
la
science
politique
nationale.
La
p6riode
1945-1950
peut
etre
consideree
en
effet
comme
celle
de
la
naissance
de
la
science
politique franqaise
en
tant
que
discipline
autonome
et
discipline
scientifique.
Le
fait
que
la
science
politique
soit
en
France
une
science
si
tardive
peut
surprendre:
n’y
a-t-il
pas
en
effet
dans
ce
pays
une
tradition
tris
ancienne
de
r6flexion
sur
la
politique
(qu’on
songe
a
BODIN,
à
MONTESQUIEU,
a
ROUSSEAU,
à
TOCQUEVILLE);
n’y
a-t-il
pas,
depuis
le
XIX6me
siecle,
une
sociologie
qui
s’est,
avec
DURKHEIM
et
les
durkheimiens,
elevee
au
rang
de
science
de tous
les
phenomenes
sociaux;
n’y
a-t-il
pas,
tout
au
long
de
la
1116me
R6publique,
une
96
intense
politisation
de
la
societe
qui
eut
pu
favoriser
l’apparition
d’une
science
de
la
politique?
11
n’en
a
rien
ete
en
fait:
pour
un
ensemble
de
raisons
qu’on
ne
peut
6noncer
ici,
la
science
politique
n’a
pu
en
France
apparaitre
qu’ a
la
fin
du
XlXdme
siecle.
La
sociologie,
n6e
dans
les
Facult6s
de
Lettres,
trop
absorbee
dans
sa
conqu6te
de
la
legitimite
par
son
combat
contre
la
philosophie
et
les
&dquo;humanit6s&dquo;,
laissa
la
science
politique
auxjuristes
dans
le
temps
meme
o6
ceux-
ci
ramenaient
la
science
de
retat
a
la
pure
et
simple
etude des
normes juridiques. ~
I
Il
existe
bien,
depuis
1872,
la
fameuse
Ecole
libre
des
sciences
politiques
de
la
rue
Saint-Guillaume
a
Paris,
mais
ses
enseignements,
destin6s
a
pr6parer
les
6tudiants
aux
grands
concours
de
recrutement
des
hauts
fonctionnaires,
sont
essentiellement
6conomiques,
juridiques
et
historiques.
Le
produit
de
cette
histoire
a
ete
que
pendant
la
premiire
moiti6
du
XX~me
si6c]e,
la
science
politique francaise
n’existera
que
nominalement:
il
n’y
a
pas
de
communaut6
scientifique
de
politologues
se
repr6sentant
comme
telle,
il
n’y
a
pas
de
revues
scientifiques
ou
de
centres
de
recherches
specialises,
il
n’y
a
pas
de
manuels.
S’il
y
a
quelques
chercheurs,
ils
sont
isol6s:
les
percees
de
la
science
politique
franqaise
avant
1945
ne
sont
le
r6sultat
que
d’actions
individuelles.
Cet
article
sera
donc
centre
sur
1’histoire
d’une
conqu6te
men6e
depuis
1945,
conqu6te
de
1’autonomie
disciplinaire
et
conqu6te
de
li
scientificit6,
meme
si
a
I’arriv6e-on
le
constatera
lors
de
fexamen
de
la
situation
actuelle
de
la
science
politique
en
France-la
communaut6
des
politologues
franqais,
devenue
importante,
peut
apparaitre
profond6ment
divisee
et
soumise
a
la
concurrence
de
sociologues
ressentant
de
plus
en
plus
la
necessite
d’int6grer
dans
leurs
analyses
l’objet
politique.
On
ne
s’arretera
pas A
une
difficulte
pourtant
centrale
que
rencontrent
n6cessairement
sur
leur
chemin
ceux
qui
veulent
faire
l’histoire
d’une
discipline,
que
cette
discipline
soit
en
apparence
constitu6e
ou
qu’elle
soit,
comme
la
science
politique
en
France,
en
cours
d&dquo;6mergence.
Cette
difficult6
tient
a
l’impossibilit6
de
fixer
r6e]lement
les
fronti6res
d’une
discipline,
impossibilit6
qui
ne
peut
6tre
6tablie
ici,
mais
dont
1’existence
et
les
raisons
sont
famili~res
aux
6pis-
t6mologues.
Fallait-il
donc
prendre
le
parti
de
rattacher
a
la
science
politique
franqaise
en
voie
de
formation
tous
les
travaux
que
leur
origine
institutionnelle
permettait
de
dire
politologiques,
parce
qu’ils
6taient
par
exemple
6crits
par
un
membre
de
1’Association
francaise
de
science
politique
ou
par
un
professeur
d’un
Institut
d’etudes
politiques?
Fallait-il
en
un
autre
sens
ne
retenir
que
les
recherches
ayant
comme
objet
les
phénomènes
politiques
alors
meme
qu’un
accord
n’existe
pas-et
ne
peut
d’ailleurs
par
nature
exister-sur
la
definition
de
ce
qui
serait
I’objet
privil6gi6
de
la
science
politique?
On
a
adopt6
dans
les
pages
qui
suivent
une
voie
diff6rente,
dont
on
sait
bien
qu’elle
laisse
subsister
de
nombreuses
ambiguites
et
qu’elle
reste-en
1’etat
de
nos
recherches-trop
intuitive:
on
a
qualifi6
de
politologiques
les
etudes
qui
ont
ete
socialement
perques
comme
du
domaine
de
la
science
politique
ou
dont
l’objet
est
habituellement
qualifi6
de
politique.
D’un
mot,
disons
que
la
question
de
l’objet
de
la
science
politique
pose
pour
nous
un
probl6me
empirique
et
non
une
question
thdorique.1
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