Les entreprises d'Etat en France, en Italie et en Pologne

DOI10.1177/002085236102700204
Date01 June 1961
Published date01 June 1961
AuthorNatalia Gajl
Subject MatterArticles
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Les entreprises d’Etat en France, en Italie
et en Pologne
(Quelques aspects juridiques)
par
Natalia GAJL,
Docteur en droit,
Professeur adjoint à la Faculté de droit
de Lodz (Pologne).
CDU 35.078.4.05 (44 + 45 + 438)
L’activite economique de 1’Etat s’est deve-
nomique, dans notre domaine, nous nous ar-
loppee pendant des siecles, mais c’est surtout
reterons sp6c*alement aux prob’lemes les plus
depuis la Seconde Guerre mondiale qu’elle a
importants et qui prejugent de tous les au-
acquis une importance essentielle. Le grand
tres : aux formes juridiques des entreprises
nombre des entreprises d’Etat creees apres la
et aux methodes de gestion.
Guerre, tant dans les pays socialistes que dans
Les formes juridiques des entreprises d’E-
les pays capitalistes, est a la base d’une dis-
tat qui sont 61aborees par ces trois pays sont
cussion entre juristes et 6conomistes du
la consequence des différentes influences po-
monde entier. Il s’agit avant tout des formes
litiques et des conditions economiques des
juridiques et des m6thodes de gestion des en-
premiers jours de I’apr6s-guerre, entierement
treprises d’Etat : quelles methodes de gestion
distinctes dans chacun de ces pays.
des entreprises d’Etat semblent les plus utiles
et les plus efficaces, tant en mati6re écono-
Parmi les entreprises creees par les Etats,
mique qu’en mati6re financi6re?
on peut partout distinguer (1), d’une part,
celles qui sont regies directement par 1’admi-
Les formes juridiques autant que les me-
nistration publique d’apres les memes me-
thodes de gestion et de financement varient
thodes traditionnelles qui etaient employees
dans les diff6rents pays. Mais, depuis lea Li-
avant la Guerre et, de 1’autre, les entreprises
b6ration, on peut observer partout une ten-
d’Etat qui sont gerees comme des organismes
dance commune a creer un systeme juridique
juridiquement distincts de 1’administration
et financier special, different des m6thodes
publique, ayant une personnalite morale,
administratives pratiqu6es avant la Guerre,
leurs propres fonds de financement, leur
dans la majorité des Etats.
propre gestion, etc. Dans nos considerations
comparatives, nous traitons exclusivement
Les probl6mes eft les difficult6s qui se de-
de cette
dernlire categorie d’entreprises,
gagent sont communs malgr6 les differences
comme etant la forme la
de
plus representative
structures politiques et economiques des
des tendances actuelles et des nouvelles con-
pays respectifs. Pour examiner les nouvelles
ceptions des entreprises
methodes juridiques
publiques modemes.
et economiques, autant
que lens tendances actuelles des nationalisa-
Dans la periode d’entre les deux guerres
tions, nous avons choisi comme exemple les
mondiales, nous rencontrons en France de
entreprises d’Etat en France, en Italie et en
nombreuses entreprises d’Etat créées pour
Pologne. Le choix n’a pas ete fait au hasard.
des motifs financiers (les monopoles, Ban-
Les motifs qui aboutissent aux nationalisa-
que de France), militaires (les fabriques
tions sont tout a fait diff6rents dans ces trois
d’armement, le monopole des poudres) ou
pays, avec la consequence que les formes ju-
ridiques et les methodes employees varient,
(1) Cf. dans le même sens la distinction faite par le
ce qui rend possible une 6tude comparative.
Séminaire organisé conjointement par les Nations Unies et
I’IISA à Rangoon: Some Problems in the Organization and
Parmi les nombreux probl6mes qui se po-
Administration of Public Enterprises in the Industrial Field.
sent en matiere juridique, financiire et eco-
1954, pp. 5 sq.


154
administratifs (PTT, etc.). Ces entreprises
les deux tiers des operations d’assurance. En
existaient a l’epoque le plus souvent a cote
tenant compte des entreprises qui apparte-
d’entreprises privees, ou dans des domaines
naient a I’Etat avant la Guerre, le secteur
ou l’initiative privee, pour des motifs econo-
public contient desormais - en majorité ou
miques et financiers, ne voulait pas agir. Les
en grande partie -
cinq branches economi-
droits de propriete (sauf en cas de necessite
ques : le credit, les assurances, 1’energie (sauf
de defense nationale) n’etaient en principe
le petrole), le transport par chemin de fer
pas affectes (2). C’est seulement apres la
(9) et les constructions aeronautiques. En
Liberation que 1’Etat fran~ais agit dans ce
consequence, par son importance eu 6gard a
domaine pour des motifs entierement diffé-
son extension, cet etat de choses donne pour
rents, en s’emparant d’un certain nombre de
la premiere fois a 1’Etat la possibilité d’in-
branches de l’activité economique. La na-
fluencer activement I’C’conomie et la structure
tionallisation qui eut lieu apres 1945 se dis-
du pays.
tingue de 1’activite d’avant-guerre, tant par
11 n’existe pas en France, de meme que
ces nouveaux motifs et les buts de la natio-
dans la
nalisation
plupart des autres pays, de definition
que par les formes juridiques et les
methodes de
juridique de la nationalisation (10). Mais
gestion.
nous rencontrons sur ce sujet de nombreuses
La nationalisation en France a 6t6 faite
discussions tant au Parlement que parmi les
sous 1’influence et avec 1’appui de la majorite
juristes et les economistes. Dans la plupart
des partis politiques, des syndicats et de la
des definitions, on souligne surtout le mo-
nation. Le Parti communiste (3), lie Parti
ment de transfert ( 11 ) du droit de propriete
socia’liste (SFIO) (4), le MRP (5), ainsi
privee au secteur public, en éliminant ainsi
que les plus grands syndicats comme la
la gestion et le profit prives. La necessite du
CGT (6), fidele a ses idees en matiere de na-
transfert est motiv6e le plus souvent par
tionalisation declarees deja au Congres de
~ 1’interet general -
»
(12), ~I’interet public
»
Lyon en 1919, la CFTC (7) et la CGC (8) se
(13), ou ~~ 1’interet de la Nation
»
(14).
sont prononc6s en sa faveur. L’atmosphere
politique des premiers jours apres la Libera-
On trouve aussi souvent des definitions
tion eut son influence autant sur ~1’extension
dans lesquelles la nationalisation est consi-
du domaine des entreprises nationalisees, que
deree sous 1’angle d’une nouvelle organisation
sur la forme juridique de la nationalisation.
de gestion juridique et economique. Dans les
Celle-ci englobe : toutes les entreprises de
definitions de ce genre, sont soulignees les
l’industrie electrique et du gaz, les houilleres,
formes originales et nouvelles (15), differen-
la Banque de France et la Banque d’Algerie,
tes
des methodes employees normalement,
quatre des plus grandes banques de depots,
tant dans les entreprises privees (16) que
les assurances et la Regie nationale des Usi-
nes Renault. Apres la nationalisation, le sec-
teur pub’lic en France comprend les trois
(9) Société Nationale des Chemins de Fer français
(SNCF), société d’économie mixte où l’Etat détient la majo-
quarts de toutes les operations du credit et
rité des actions. Cf. Jacques Branger, Les participations
financières de l’Etat, « Droit social », 3/1960, pp. 125 sq.
(2) Même dans le cas de « nationalisations » faites par
(10) Dans le préambu1e de la Constitution de 1946, nous
le Gouvemement en 1936 pour des raisons purement mili-
trouvons en cette matière une definition indirecte. La Con-
taires, il existait des entreprises organisées sous la forme de
stitution de 1958 ne traite pas de ce sujet; elle n’apporte,
sociétés d’économie mixte, dans lesquelles l’Etat était action-
sauf sur le plan des techniques gouvemeinentales, aucune
naire soit majoritaire (Sociétés nationales de construction
modification aux principes économiques et sociaux qui
aéronautique de l’Ouest, du Centre, du Nord, et du Sud-
étaient ceux de la Quatrième République.
Ouest) soit minoritaire (Société d’exploitation des moteurs
(11) G. Lyon-Caen, Les diverses formes de nationalisa-
Gnome et Rhône, Société d’exploitation des matériels His-
tion, «Droit social», 1945, p. 41. — Waline, Les nationali-
pano-Suiza).
sations, «Droit social», 1945, p. 85.
(3) Maurice Thorez, Pour une politique française. Rap-
(12) Bernard Vidal de Lausun, La nationalisation des
port au Dixième Congrès du Parti communiste. Paris, 26-30
entreprises (thèse, Faculté de Droit). Paris, 1948, dactylo-
juin 1945.
graphié.
(4) Jules Moch,
«Volonté» du 10 janvier 1945.
(13) Ripert, Traité élémentaire de droit commercial.
(5) Comment nationaliser, «L’Aube» du 7 mars 1945.
Paris, 1951, pp. 1 et 509. — Konst. Katzarov, Théorie de la
(6) Albert Gazier, Les organisations syndicales françaises
nationalisation. Neuchatel, 1960, p. 226 : « Intérêt public
depuis la Libération. La CGT, «Droit social», 1945, p. 104.
d’ordre supérieur».

Extrait du «
Programme des Gauches
» relatif à la poli-
(14) Luciano Morando, Les tendances actuelles des
tique économique et sociale, «Droit social», 1945, pp. 351-
nationalisations. San-Remo, 1957, p. 12.
352.
(15) Inventaire de la situation financière (1913-1946)
(7) Georges Vidalenc, Le 26
e
Congrès de la CGT, Paris.
établi sur ks instructions de M. Robert Schumann, ministre
8-12 avril 1945,
«
Droit social », 1946, p. 250.
des Finances. Paris, 1946, p. 87. — François Perroux, Les
(8) Ce dernier se prononça pour une nationalisation au
nationalisations, «Droit social», 1945, p. 348.
sens beaucoup plus restreint que les autres. Paul Marabutto,
(16) Bernard Vidal de Lausun, op. cit., p. 111. —
Les partis politiques et les mouvements sociaux sous la IV
e
Andrè-G. Delion, L’Etat et les entreprises publiques. Paris.
République. Paris,...

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