Service public, Rentabilité économique et Rentabilité financière

Published date01 December 1976
DOI10.1177/002085237604200401
Date01 December 1976
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Service public, Rentabilité économique
et Rentabilité financière
par
CDU 338.933:35.071(44)
J. GROSDIDIER de MATONS,
docteur en droit,
lauréat de la Faculté
Service public, rentabilit6 6conomique et
Notant ce que la notion avait d’impr6cis,
6quilibre financier sont trois notions qui pa-
M. Waline (3) a tenu a d6gager une notion
raissent 6trang6res l’une a 1’autre et qui ap-
« moyenne ~ de service public. Ce serait une
partiennent a trois disciplines differentes : le
activité d’int6r8t general, consistant le plus sou-
droit administratif, 1’economie et les finances.
vent a fournir des prestations au public, et
En v6rit6, les juristes, qui ont 1’ame conten-
sur laquelle I’autorit6 publique exerce un cer-
tieuse, sont s6duits par ces oppositions et se
tain contr6le, soit total (gestion en r6gie), soit
complaisent volontiers dans des classifications
plus ou moins lache (concession, autorisation,
cat6gorielles antinomiques les unes des autres.
etc.) lorsque le service est assure par une per-
On se propose ici, apr6s avoir rappel6 (I) ce
sonne privee ou une personne publique d6cen-
qu’est la doctrine classique du service public
tralisee.
et pass6 en revue les critiques faites actuelle-
ment a la gestion des services publics, com-
M. B6noit, par contre, est fidele a une con-
ment (II) il est possible de r6concilier service
ception toute positiviste du service public, sui-
public, recherche de l’optimum 6conomique et
vant laquelle il est « une activité administra-
6quilibre financier.
tive qui a pour objet une prestation aux par-
_
ticuliers ~ (4), I’autorit6 des gouvernants ayant
seule qualite pour d6terminer quelle activite
I. NOTION DE SERVICE PUBLIC
sera class6e dans les services publics. La no-
ET GESTION TRADITIONNELLE
tion de but d’int6r6t general est ici 61imin6e
DES SERVICES PUBLICS
pour faire de la seule volont6 des gouvernants
le crit6re de la distinction entre service public
1. On sait quelle position privil6gi6e occupe
et activite priv6e. En apparence s6duisante par-
la notion de service public en droit adminis-
ce que plus rigoureusement juridique, la th6se
tratif frangais, que son d6clin comme crit6re
est malheureusement contredite par son au-
de la r6partition des comp6tences en mati6re
teur lui-m6me, qui 6crit un peu plus loin (5)
juridictionnelle fait parfois oublier ou sous-
que les activit6s 6rig6es en service public sont
estimer. Mais le terme ~c service public ~, equi-
« celles qui sont consid6r6es par les gouver-
voque et vague, pr6te ~ confusion.
nants comme essentielles a la collectivite ~. Si
ces activit6s sont essentielles, c’est qu’elles pr6-
2. Dans un sens materiel, les mots «ser-
sentent un int6r8t public : 1’auteur est revenu
vice public » d6signent e une activite qui tend
peut-6tre sans qu’il s’en soit aperqu, a une
a satisfaire un besoin d’int6r6t g6n6ral 3, (1).
definition du service public qui englobe son
Cette definition est depuis longue date accep-
but d’int6r8t general. Et c’est tres bien ainsi;
t6e par la doctrine, et M. Chapus, plus r6-
renouvel6e de Rousseau, l’id6e que la volont6
cemment que Duguit et Hauriou, a pu 6crire
des gouvernants ne peut errer des lors qu’elle
que 1’activite publique, « serait service public
repr6sente la volont6 g6n6rale, a ete le pi6-
des lors qu’elle sera exerc6e en vue de l’int6-
destal confortable de toutes les oppressions;
r6t public » (2), ce qui permet de se poser
quel que soit le s6duisant de son vetement
la question, inqui6tante, de savoir s’il peut
juridique, on n’aime pas la rencontrer trop
exister des activit6s publiques qui ne soient
souvent sous la plume du juriste.
pas exerc6es en vue de l’int6r8t public.
(1) G. Vedel, Droit administratif, Paris, PUF, 1961,
(3) Droit administratif, Paris, Sirey, 1962, n° 1072.
p. 611.
(4) Le droit administratif français
,
Paris, Dalloz, 1968,
(2) « Le service public et la puissance publique»,
p. 770.
Revue de Droit public, 1968, pp. 235-282.
(5) Idem, p. 776.


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3. 11 faut noter aussi que, si Ie critere de
nistrative ; certaines m6ritent le titre de ser-
la seule volont6 des gouvernants s’accommode
vice public, d’autres constituent seulement des
assez bien d’une extension infinie et ind6fi-
fins d’int6r8t g6n6ral 3, (7). Et si la puissance
nie de l’intervention de leur pouvoir, qui peut
publique assume toujours le service public, elle
se concevoir meme si on doute de son bien-
ne 1’assure pas toujours elle-m8me (8).
fond6, il s’accommode mal, en revanche, d’une
reduction infinie et ind6finie de cette inter-
5. On ne saurait d’autre part d6finir le ser-
vention. Ou alors, il faudrait admettre que la
vice public par reference a un critere orga-
seule volont6 politique du moment puisse faire
nique, depuis que se sont multipli6s les orga-
que la justice, la defense, la securite a6rienne
nismes charges d’une mission de service public,
et le tout-~-1’6gout ne sont plus essentiels pour
mais dont la nature juridique flotte entre le
la collectivit6, et, comme tels, ne sont plus
droit prive et le droit public, mais il est vrai
des services publics. Nous avons certes connu
qu’une presomption joue en faveur du carac-
des si6cles d’appropriation privee presque to-
t6re public de I’activit6 prise en charge par
tale du service public, mais le fait que cela
une personne publique.
ait toujours ete considere comme un abus est
tout a fait caract6ristique. Et I’hypoth6se est
6. On a certes tente de rechercher la defi-
nition
sans int6r6t actuellement; elle
du
ne correspond
service public en recourant a l’ana-
a rien de concret et d’actuel dans le droit
lyse de ses r6gles de fonctionnement, et en
administratif moderne.
particulier des grandes r6gles d6gag6es par Rol-
land, de continuit6, d’6galit6, d’adaptation et
4. Retenons donc cette notion d’int6r8t g6-
meme de neutralité. C’est la finalité d’int6r8t
n6ral comme crit6re du service public. La vo-
general, et cette finalite seule, qui entraine
tont6 des gouvernants ne la cr6e pas, elle la
un regime juridique particulier, caract6ris6 par
promulgue; car la qualification d’int6r6t g6n6-
des obligations, et par des obligations seule-
ral donn6e a une activite par les gouvernants
ment, ce qu’exprime parfaitement Ie mot ser-
r6sulte, dans
vice.
un regime d6mocratique, du con-
Ii n’est pas une seule des prerogatives
sensus des gouvernes, qui s’exprime
du service
par la voix
qui ne soit nee de ces obligations;
de ces gouvemants. Ce consensus varie dans
c’est parce que le service est d’int6r8t general
le temps, sauf sur certains points essentiels;
qu’il doit 6tre assure de fagon continue et
ces variations et I’existence de ces points
c’est
es-
cette obligation de continuite qui justifie
sentiels expliquent qu’h cote d’un
des
noyau irr6-
pr6rogatives comme, par exemple, le re-
ductible de services publics, reconnus comme
cours a 1’expropriation. Ce sont la des 6vi-
tels dans tous les Etats, flottent à la marge
dences, mais elles sont perdues de vue par
des activit6s class6es dans les services publics
certains auteurs, et non des moindres; comme
suivant les a]6as du moment, les n6cessit6s
1’a 6crit M. Vedel
pra-
(9), c 1’emploi de la no-
tiques et les choix politiques. Si le roi cap6tien
tion de service public a mis au clair que 1’ad-
est toujours represente avec le bras de justice,
ministration est faite pour les administr6s, et
c’est bien parce que Ie service public de la
non pour les gouvernants n (il aurait du ajou-
justice faisait partie de ce
ter
noyau irr6ductible
« et non pour les fonctionnaires ~). Par
dont le roi assurait la prestation. Et la notion
la m8me, tombe I’argument suivant lequel Ie
d’int6r8t general, qui justifie 1’existence du ser-
service public « n’est plus une institution, mais
vice public et 6ventuellement du monopole,
un r6gime 3~ (10); lorsqu’on se demande si une
doit s’entendre restrictivement. Si
activite
par exemple
est un service public, c’est, le plus
l’int6r6t general, qui exclut la vengeance pri-
souvent, pour d6terminer quel r6gime de droit
vee et le r6glement de comptes sanglant entre
lui est applicable: suivant une formule d6sor-
particuliers, exige
mais
que la justice criminelle soit
classique, la d6finir par ce r6gime, c’est
un service public exerce directement et effec-
r6pondre a la question par la question (11).
tivement par la puissance publique, il ne s’op-
7. Outre les r6gles de fond ci-dessus
pose pas a ce que des litiges priv6s, de na-
rap-
ture commerciale, soient r6gl6s par voie d’ar-
bitrage (6). Ce n’est pas dire que le litige
(7) P. Weil, Le droit administratif, Paris, PUF, 1975,
commercial ne soit
p. 63.
pas d’int6r6t general, mais
(8) J. Rivero, Précis de droit administratif, (3e
il
éd.),
ne 1’est pas au point de devoir 6tre pris en
Paris, Dalloz, 1965, p. 449.
charge par la puissance publique : « Il y a
(9) op. cit., p. 38.
une gradation dans les fins de 1’action admi-
(10) B. Chenot, « La notion de service public dans la
jurisprudence économique du Conseil d’Etat », Etudes
et Documents du Conseil d’Etat, 1950, p. 80.
(6) En fait, l’arbitrage est assez impopulaire chez les
(11) M. Waline,
« Compte rendu critique du Droit
magistrats et chez les fonctionnaires en général, qui
administratif français de M.P. Bénoit », Revue de Droit
n’aiment pas ce qui échappe à leur contrôle.
public, 1968, p. 377.


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pel6es et qui caract6risent le service public
le 16gislateur devait, pour des raisons analo-
par opposition aux activit6s relevant du droit
gues, transf6rer en bloc la competence en ma-
prive, le...

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